Clients sous surveillance | L’actualité

Besoin d’un nouveau câble pour recharger votre cellulaire ? Dans certaines succursales de Pharmaprix, vous devrez demander l’assistance d’un commis, car les paquets sont désormais sous clé pour les protéger des voleurs, même s’ils ne valent qu’une dizaine de dollars.

Ce n’est là qu’un des nombreux produits dont l’accès a été limité récemment par la chaîne de pharmacies pour diminuer les pertes dues au vol. Ces dernières ont augmenté au point que, sans elles, la marge brute de la chaîne aurait grimpé au lieu de baisser au cours du deuxième trimestre de 2023, a révélé la maison mère de Pharmaprix, Les Compagnies Loblaw.

L’entreprise est loin d’être la seule à avoir renforcé ses mesures de sécurité. Dollarama installe davantage de caméras de surveillance, Walmart vérifie parfois les factures à la sortie, et de plus en plus de commerces, dont des épiceries, interdisent aux clients de déambuler avec des sacs dans leurs allées.

À première vue, les données semblent donner raison aux commerçants. Selon Statistique Canada, 11 048 vols à l’étalage de moins de 5 000 dollars ont été signalés aux divers corps policiers du Québec en 2022, un bond de 28 % par rapport à 2021. Et la hausse est encore plus élevée comparativement à 2020. 

Mais il ne s’agit que d’un retour à la normale. Exclusion faite de 2020 et de 2021, années de pandémie où le confinement a réduit les vols à l’étalage, jamais leur nombre n’a été aussi faible qu’en 2022, et ce, depuis deux décennies ! Le constat est le même lorsqu’on regarde le taux pour 100 000 habitants, une statistique plus fiable pour suivre l’évolution de la criminalité.

Les données pour les sept premiers mois de l’année fournies à L’actualité par la Sûreté du Québec et le Service de police de la Ville de Montréal montrent une trajectoire semblable à 2022, ce qui porte à croire que le rattrapage est terminé. Les commerçants se basent-ils sur une anomalie statistique pour justifier une augmentation des mesures de contrôle de leurs clients ?

Les Compagnies Loblaw n’ont pas répondu à la demande d’entrevue de L’actualité, tandis que Dollarama l’a déclinée. De son côté, Walmart a dit par courriel vouloir « réduire le plus possible le vol afin de [pouvoir] maintenir » ses prix. 

Le consultant Mario Bélanger, qui compte près de 30 années d’expérience dans le commerce de détail, notamment en alimentation, affirme que les statistiques policières ne reflètent pas la réalité qu’il voit sur le terrain avec ses clients. Les détaillants ne déclarent tout simplement pas les larcins de faible valeur, préférant montrer la porte aux voleurs au lieu de les retenir le temps que la police arrive. Or, ce chapardage est en hausse, selon lui, surtout dans les épiceries, en raison de l’inflation. « La viande, ça se fait voler, c’est l’enfer ! » 

À la société de sécurité GardaWorld, le directeur de la prévention des pertes, Marc-André Plaisance, souligne que le vol à l’étalage n’est pas la seule explication possible aux articles manquants ; il peut également s’agir d’actes commis par des employés. « Déterminer précisément si les pertes sont dues au vol interne ou au vol à l’étalage peut être un défi pour les commerçants. » Cependant, les mesures de sécurité destinées à empêcher l’un seront inefficaces pour contrer l’autre…

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