L’argent du bonheur | L’actualité

Le produit intérieur brut (PIB) d’un pays ou d’une province est le revenu total engendré par la vente des biens et des services produits sur son territoire en une année. En divisant par la population, on obtient le PIB (ou revenu) par habitant. Cette mesure est universellement utilisée par les chercheurs et par les organismes internationaux comme l’OCDE, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international afin d’évaluer le bien-être matériel que chaque économie procure en moyenne à ses habitants.

En 2022, le PIB par habitant du Québec s’établissait à 63 565 dollars. C’est la moyenne par habitant de tous les salaires, profits et intérêts qui ont été versés aux résidants du Québec. Pendant ce temps, le PIB par habitant de l’Ontario atteignait 69 141 dollars. Le désavantage du Québec était donc de 8,1 %. Le premier ministre François Legault fait constamment référence à cet écart Québec-Ontario et invite les milieux économiques à redoubler leurs efforts pour l’éliminer. 

Il a raison, bien que ce désavantage de 8,1 % du Québec en revenu par habitant soit déjà largement annulé par le fait que le prix de ce qu’on achète au Québec est généralement inférieur à celui que doivent payer les Ontariens. En vrai niveau de vie, les deux provinces sont probablement à égalité.

Reste que bien d’autres facteurs que le revenu peuvent influencer positivement ou négativement la qualité de vie des citoyens. À cet égard, l’édition 2023 du rapport annuel des Nations unies sur le bonheur des gens a cerné les plus importants, à partir de sondages effectués par l’institut Gallup auprès de plusieurs centaines de milliers de répondants dans 156 pays, et ce, de 2005 à 2022. Les participants étaient invités à situer leur niveau de satisfaction générale à l’égard de la vie sur une échelle de 0 à 10.

L’analyse des résultats montre qu’en plus du PIB par habitant, les facteurs clés du bonheur sont le soutien des parents et des amis, l’espérance de vie en santé, la liberté de choisir la vie qu’on veut mener, la générosité, et le degré de corruption perçu dans les entreprises et l’État. Ces six facteurs rendent compte ensemble de plus des trois quarts de la variation de l’indice du bonheur entre les pays. 

En 2020-2022, les sept pays les plus heureux étaient les cinq pays nordiques (Finlande, Danemark, Islande, Suède et Norvège), en plus d’Israël et des Pays-Bas. Le Québec, en isolant ses données de celles du reste du Canada, se classait au 8e rang sur 156. Le Canada sans le Québec, au 18e. Révélation : la Révolution tranquille était une révolution du bonheur !

Est-ce que ces résultats démontrent que nous aurions raison de poursuivre le bonheur national brut au lieu du PIB, comme le royaume du Bhoutan l’a inscrit dans sa Constitution en 2008 ? Oui, cela ne fait aucun doute, puisque l’amélioration du bien-être collectif repose sur un ensemble d’objectifs beaucoup plus large que la recherche étroite et bornée de la croissance du revenu matériel. Chez nous comme au Bhoutan, il est essentiel de développer le soutien social, de saines habitudes de vie et la générosité, d’accorder le plus d’espace possible à la liberté et de pourfendre sans pitié toutes les sources de corruption.

Néanmoins, comme le montre le graphique, le bien-être matériel que procure un PIB par habitant élevé reste indispensable au bonheur des gens. On voit que, parmi les grands pays de l’OCDE, l’indice du bonheur évolue en étroite corrélation avec le PIB par habitant, avant même de tenir compte des cinq autres facteurs. Les pays les plus riches, comme la Suisse, la Norvège, le Danemark et les Pays-Bas, sont parmi les plus heureux. Les moins riches, comme la Grèce et le Portugal, font partie des moins heureux. Le Canada est à la médiane. Les Américains, eux, sont très riches, mais nettement moins heureux qu’ils pourraient l’être, en partie sans doute à cause de l’inégalité extrême du revenu entre les classes sociales.

Mais maintenant qu’on sait que les gaz à effet de serre (GES) produits par la croissance du PIB menacent l’intégrité physique de la planète, faut-il plafonner le niveau du PIB ou même le faire diminuer ? Cette solution est populaire parmi certains groupes déjà riches. Elle n’a cependant aucune chance d’emporter l’assentiment des groupes (et des pays) moins fortunés qui n’ont pas encore été gâtés par la vie. La poursuite de la croissance du PIB va nous obliger à travailler plus fort pour réduire les émissions de GES. Il faudrait simplement s’assurer que la croissance favorise plus qu’avant les moins nantis d’ici et d’ailleurs.

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