L’immigration à la rescousse des PME québécoises

L’annonce n’a pas fait les manchettes comme la hausse possible du nombre d’immigrants à 60 000 d’ici 2027, mais elle n’est pas moins importante. Le gouvernement Legault souhaite que les immigrants économiques puissent reprendre des PME susceptibles de disparaître.

L’information se trouve à la page 37 du cahier de consultation présenté jeudi par la ministre Christine Fréchette, en vue du plan d’immigration 2024-2027. Il est question d’une révision du Programme des entrepreneurs « afin de sélectionner des personnes qui ont les moyens et les compétences nécessaires pour mener à bien leurs projets d’affaires ».

Ce programme a pour but de « sélectionner des ressortissantes et des ressortissants étrangers qui contribueront au développement économique du Québec en créant, exploitant ou acquérant des entreprises ». (À ne pas confondre avec le Programme des investisseurs, suspendu depuis 2019, qui sera aussi réformé.)

En langage clair, le Programme des entrepreneurs s’adresse aux immigrants qui désirent lancer une entreprise et obtenir leur citoyenneté. Pour ce faire, le candidat doit présenter un plan d’affaires solide et des garanties financières.

Le gouvernement Legault veut toutefois créer un volet destiné au repreneuriat, afin d’encourager la reprise d’entreprises. L’objectif est d’aller chercher à l’étranger, dans le réseau d’affaires francophone, des candidats qui souhaiteraient reprendre des PME d’ici pour éviter leur fermeture.

L’ancien programme comprenait une possibilité de rachat d’entreprise, mais dans les faits, à peine quelques dizaines de dossiers étaient présentés chaque année.

Comme le mentionnait mon collègue Marc-André Sabourin, près de 34 000 PME pourraient être mises en vente au Québec d’ici 2025. C’est énorme. Et il manque de relève. Pour l’État, il y a plusieurs avantages à ce que les PME survivent, notamment en matière de revenus fiscaux. Il en coûte évidemment moins cher de reprendre une entreprise que de commencer à zéro.

Le nouveau volet portant sur le repreneuriat viendra établir un lien manquant, en accompagnant à la fois la personne qui cède son entreprise et la personne immigrante qui entreprend un processus de demande. L’initiative s’inscrit en droite ligne avec le Plan en entrepreneuriat annoncé l’an dernier, où des sommes supplémentaires étaient consacrées au repreneuriat.

Le gouvernement abaisse aussi ses exigences financières : un repreneur devra posséder 600 000 dollars d’avoirs nets. Et pour un temporaire ayant déjà repris une PME ici et qui vise l’immigration permanente, ce sera 300 000 dollars.

Les repreneurs doivent au minimum être en mesure de communiquer avec les employés des entreprises, notamment en région.

La connaissance du français est au cœur de la réforme de l’immigration. Pour rappel, en décembre, la ministre Fréchette avait suspendu un des volets du programme destiné aux entrepreneurs non francophones.

Dans le cadre du volet de repreneuriat, le gouvernement exigera « une connaissance suffisante du français » pour favoriser l’insertion des candidats dans le milieu des affaires. Il leur faudra parler un français de niveau 7 (intermédiaire) pour se qualifier (il y a 12 niveaux de connaissance sur l’échelle québécoise des compétences en français), mais n’auront à répondre à aucune exigence à l’écrit.

Au ministère de l’Immigration, on explique que les repreneurs doivent au minimum être en mesure de communiquer avec les employés des entreprises, notamment en région.

Le retour du programme est bien accueilli par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), justement parce qu’il représente « une avenue pour la relève entrepreneuriale », à l’heure où 76 % des propriétaires de PME prévoient quitter leur entreprise d’ici 10 ans. L’organisation se questionne toutefois sur les exigences de connaissance du français, qui pourraient être un frein majeur.

« C’est l’équivalent d’un français oral fonctionnel », nuance Pierre Graff, PDG du Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec, qui accueille positivement le nouveau volet du programme. Il note d’ailleurs l’intention du gouvernement d’éliminer plusieurs autres obstacles administratifs.

« Le gouvernement a pris conscience du problème. La moitié des propriétaires de PME ont plus de 55 ans. Le programme est intéressant, mais il faut un moteur de recherche simple et efficace pour que les propriétaires puissent afficher leur PME. » Ça tombe bien, car la plateforme du Centre de transfert d’entreprise du Québec (CTEQ) fera bientôt l’objet d’améliorations importantes.

Entendons-nous : des milliers d’immigrants n’afflueront pas demain pour sauver les quelque 2 000 PME qui ferment leurs portes chaque année. Québec s’attend à recevoir de 50 à 60 demandes par année au départ, davantage si les seuils d’immigration sont haussés. Si quelques dizaines d’entreprises sont sauvées annuellement, ce n’est pas négligeable pour autant.

« L’autre défi, poursuit Pierre Graff, c’est qu’il faut promouvoir une culture du repreneuriat pour que les cédants potentiels envisagent cette voie. » Il met le doigt sur l’obstacle fondamental.

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