Avec l’IA, le travail des traducteurs évolue. Voici comment.

La traduction assistée par ordinateur (TAO), c’est une réalité à Environnement Canada depuis 1977. Le logiciel n’a pas la puissance de l’intelligence artificielle (IA) — il puise plutôt des expressions dans sa base de données —, mais abat le boulot de plusieurs personnes. Il traduit en français ou en anglais tous les bulletins météorologiques produits au pays… ce qui n’empêche pas 10 traducteurs de se relayer 24 heures sur 24.

Ils vérifient notamment l’exactitude des alertes météo visant à avertir la population des risques de tornades, de verglas et autres calamités. Une erreur pourrait avoir des conséquences dramatiques, et des erreurs, la machine en commet. « Hudson Bay », par exemple, peut désigner la baie d’Hudson aussi bien que la ville de Hudson Bay, située 700 km plus loin, en Saskatchewan. « Le système ne fait pas la distinction entre les deux », illustre Geneviève Gravel, chef de l’équipe météorologique au Bureau de la traduction, une institution fédérale qui offre ses services aux ministères canadiens. Tout porte donc à croire que des humains resteront aux commandes de la machine pendant encore longtemps.

La prédiction selon laquelle les traducteurs seront remplacés par un ordinateur, le traducteur Donald Barabé l’entend depuis l’arrivée de la TAO, il y a des décennies. « Pourtant, on est encore là ! » dit en riant celui qui est aussi président de l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec. Dans de nombreux domaines, la précision des traductions est trop importante pour que celles-ci soient confiées sans supervision à un ordinateur, même dopé à l’IA, soutient Donald Barabé. Pensez au droit, à la santé, voire au marketing, où une bourde langagière peut être catastrophique pour la réputation d’une entreprise. 

La transformation du secteur de la traduction s’est tout de même accélérée au cours de la dernière décennie. L’intelligence artificielle y a été massivement déployée, d’abord avec Google Traduction, et certains outils proposent aujourd’hui un résultat d’une qualité exceptionnelle à un coût presque nul. L’un des services les mieux notés, DeepL, traduit autant de mots que désiré pour moins de 15 dollars par mois. Pour les traducteurs habitués à facturer plus de 25 cents le mot, ça ressemble à une catastrophe, non ?

Sans surprise, les tarifs de l’industrie ont diminué. Mais les traducteurs qui intègrent la TAO et l’IA à leur pratique peuvent compenser en augmentant leur productivité. C’est le cas chez TRSB, un cabinet de traduction montréalais qui a ajouté l’IA dans sa boîte à outils en 2018. « On peut faire en quelques jours ce qui avant aurait nécessité des semaines », affirme le chef de la direction des technologies de l’information, Oumarou Aboubakary.

TRSB a même vu croître l’intérêt pour ses services depuis l’arrivée de DeepL et autres. Cela s’explique par le fait que des entreprises de divers domaines profitent du faible coût de ces outils pour traduire davantage de documents qu’auparavant… qu’elles font ensuite réviser par une agence pour s’assurer de leur exactitude. Les affaires vont bien : depuis 2017, TRSB a dû embaucher 70 personnes dans son équipe langagière, pour un total de 165.

Environnement Canada étudie désormais la possibilité de recourir à son tour à l’IA. Geneviève Gravel et son équipe peuvent avoir l’esprit tranquille : la traduction française proposée par DeepL pour « Tornado alert at Hudson Bay » est « Alerte aux tornades à la Baie d’Hudson [sic] ».

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