La Maison Simons s’en faisait une fierté. « Notre politique de retour est inscrite dans l’ADN de l’entreprise depuis 1840 », pouvait-on lire sur son site Internet, sous les mots « Satisfaction totale ou argent remis ». Ça, c’était jusqu’en septembre dernier.
Depuis, le détaillant de vêtements a modifié sa page Web. Il n’y est plus question d’ADN, mais plutôt d’une « politique de retour en constante évolution »… et de frais de 9,99 $ pour renvoyer par la poste un article acheté en ligne. Pour éviter cette somme, il faut se rendre en magasin — ou adhérer au programme de fidélité Les Simons.
L’entreprise québécoise, qui a décliné la demande d’entrevue de L’actualité, est loin d’être le seul commerce ayant récemment mis fin aux retours par la poste gratuits. Entre autres exemples, pour chaque colis renvoyé, H&M facture 4,99 $, Ardene et Urban Outfitters, 5 $, Foot Locker, 6,99 $ et Sports Experts, 10 $.
Aux États-Unis, 41 % des détaillants imposaient des frais pour les retours postaux en 2022, comparativement à 33 % en 2021, selon un sondage mené par Narvar, une entreprise américaine spécialisée dans la gestion des retours. Même Amazon exige maintenant 1 $ quand un client apporte son colis à UPS alors qu’un lieu de dépôt du géant du commerce en ligne se trouve plus près de chez lui, une politique qui concerne uniquement nos voisins du Sud pour le moment.
Au Canada, ni le Conseil québécois du commerce de détail ni le Conseil canadien du commerce de détail (CCCD) ne possèdent de données sur le phénomène. Le président du CCCD pour le Québec, Michel Rochette, souligne cependant que, selon les membres de son organisation, « un grand nombre de consommateurs ont développé des comportements qui augmentent la quantité de retours », tel commander plusieurs tailles d’un même vêtement.
Selon un sondage de Postes Canada, 48 % des consommateurs ont renvoyé au moins un achat fait en ligne en 2022. La gratuité des retours est même le deuxième facteur qui influence le choix d’un commerçant, après la livraison gratuite ! Aux yeux de Michel Rochette, c’est pour inciter les clients à prendre « de meilleures habitudes » et pour « éviter les pertes » que certains détaillants en ligne imposent des frais.
Car les retours coûtent cher aux entreprises, fait remarquer Maxime Dubois, co-PDG du commerce en ligne québécois Altitude Sports : frais de transport pour rapporter les produits à l’entrepôt, salaire des employés qui inspectent les objets, etc. Sans oublier le coût des « occasions manquées » : si un client renvoie après 30 jours un manteau d’hiver acheté à la fin de la saison, il sera difficile, voire impossible de le revendre.
L’entreprise a donc toujours facturé des frais de retour, qui sont présentement de 11,99 $. Et ce, même si quelques concurrents ont fait la promotion de leurs retours gratuits.
Le détaillant de sport préfère travailler en amont pour réduire cette pratique. La fiche d’un manteau de pluie, par exemple, met en valeur les commentaires des clients précédents qui indiquent la taille achetée… et leurs propres mensurations ! Le tout afin d’aider les gens à mieux choisir.
Ces efforts ont permis à Altitude Sports de diminuer considérablement son taux de retour, affirme le co-PDG — il refuse de dévoiler ses chiffres, une information stratégique dans l’industrie. Et les concurrents ? « Ils facturent maintenant à peu près tous des frais de retour », dit Maxime Dubois.
Cet article a été publié dans le numéro de septembre 2023 de L’actualité, sous le titre « La fin des retours gratuits ».